Tuesday, November 10, 2015

Interview with Salam Kawakibi

Deputy Director and Director of Research,
Arab Reform Initiative (ARI), Paris

Published in El Punt Avui newspaper in
November 10th, 2015

http://elpuntavui.cat/politica/article/17-politica/913265-lels-refugiats-interessen-quan-arriben-a-europar.html







Full version (in French)

"Les réfugiés n'intéressent la communauté internationale qu’à partir du moment où ils commencent à arriver en Europe"


"Il est à souligner l’absence des parties syriennes de la table de la négociation de Vienne. Cela traduit une volonté d’imposer, tôt ou tard, une solution sans prendre en considération leurs avis"

 
"Il est fort possible que la communauté internationale prévoit un scénario espagnol pour la future proche en Syrie : L’Occident avait réhabilité Franco pour combattre le communisme en effaçant tout son passé et son alliance avec les Nazies et les fascistes. Ainsi, en Syrie, rien n’empêche de réhabiliter le dictateur afin de combattre les “terroristes”


A.B. - Cinq ans après la révolution syrienne et la guerre civile, quelle est la situation du pays? Qui contrôle quoi sur le terrain?

S.K. - C'est très confus. Même pour parler d'une défaite de la révolution et pour qualifier que c'est maintenant une guerre civile, c'est plus compliqué que cela. Le régime contrôle, avec ses appuis iraniens et russes et irakiens et Hozballah moins que 20 % du territoire. Cependant, les autres parties du pays sont sous contrôle très changeants et fluides. Nous ne pouvons pas parler de réelles lignes de démarcations. Il est important de souligner, qu’après un an du début des frappes des alliés occidentaux contre Daech et un mois du début des frappes russes –soit disant- contre Daech aussi, ce dernier avance et il réalise des « victoires » sur le terrains. Les groupes modérés, qui existent bel et bien malgré le dénigrement de plus en plus répandu au sein des diplomates occidentaux, contrôlent aussi des zones avec très peu de moyens. Ils mènent leurs combats sur deux fronts : d’un côté le régime et ses alliés et de l’autre Daech.


A.B. - Les puissances internationales et régionales, y compris l'Arabie saoudite et l'Iran, se sont réunies en octobre à Vienne pour discuter d'une solution politique pour la guerre civile en Syrie, mais il n'y a pas eut de consensus sur l'avenir du président Bashar Al-Assad. Qu'est-ce qu'on peut attendre de ces conversations?

S.K. - Je crains que toutes les parties soient confortables pour étaler ces conversations. Chacune pour une raison différente et peut être contradictoire. En attendant, les Syriens meurent sous les barils de TNT ou à cause des frappes aériennes russes, ou finalement et beaucoup moins, à cause des crimes des terroristes de Daech. Il est à souligner aussi l’absence des parties syriennes de la table de la négociation. Cela traduit une volonté d’imposer, tôt ou tard, une solution sans prendre en considération leurs avis. Les Iraniens sont très contents d’être impliqué sans même devoir proposer des solutions. Les Russes se sentent le danger d’un éternisèrent de leur implication avec tous les couts que cela représente pour leur économie. Les Américains, avec leur manque de vision et de stratégie, ils veulent assoir les acteurs régionaux et internationaux autour d’une table sans même chercher à ellébore un plan de route. Et les Européens, ils sont sous le choc superficiel de la crise des réfugiés et ses répercussions. Les élections dans plusieurs pays dictent le choix diplomatiques malheureusement. Cependant, les négociations de Vienne sont malgré tout nécessaires mais il faut du contenu et de la consistance.


A.B. - Al-Assad doit rester au pouvoir ou partir?

S.K. - Même un chef d’entreprise qui ne ressui pas dans sa mission doit démissionner. Un “Président” qui, par sa politique héritée de son père, mène le pays vers une catastrophe humaine, économique et même écologique doit dans les meilleurs des cas se retirer. Cependant, il est fort possible, dans l’incapacité d’avoir une vision politique claire et une volonté d’imposer une solution viable pour les Syriens, que la communauté internationale prévoit un scénario espagnol pour la future proche en Syrie : L’Occident avait réhabilité Franco pour combattre le communisme en effaçant tout son passé et son alliance avec les Nazies et les fascistes. Ainsi, en Syrie, rien n’empêche de réhabiliter le dictateur afin de combattre les “terroristes” dont il a contribué avec sa politique à leur émergence et leur développement.


A.B. - En septembre, l'aviation russe a commencé à bombarder cibles rebelles et de l'État islamique. Croyez-vous que la intervention russe est un "game-changer" qui va ouvrir un nouveau chapitre dans le conflit?


S.K. - Comme j’ai mentionné, l’alliance occidentale ne donne aucun résultat tangible. Ainsi, depuis le 30 septembre, les Russes ont concentré leurs frappes sur les rebelles modérés et très peu sur l’Etat islamique. Les Russes ont toujours étaient claire sur leur positionnement en Syrie. Ils ont parlé même d’une “Grozny solution”. La destruction massive fait partie de leur culture militaire. Le nombre des victimes civiles les importe peu. Ils sont sur le terrain en Syrie maintenant et ils voudront avoir le prix nécessaire pour concéder. Ils veulent régler plusieurs affaires sur leurs scènes intérieures et extérieures au dépend des Syriens. C’est un changement crucial dans les règles du jeu et il semble que les occidentaux cèdent devant cette opération en essayant de demander des petits “faveurs” par ci et par là.


A.B. - Craignez-vous un effondrement de la Syrie, avec la perte de la souveraineté nationale et un avenir comme celui de l'Irak ou de la Libye?

S.K. - La souveraineté nationale est déjà bafouée. C’est un open space. Il y a plusieurs forces étrangères qui œuvrent sans le consentement des Syriens, surtout du côté du régime. Cependant, parler de la partition de la Syrie reste un sujet peut être espéré par certains occidentaux ainsi que les Russes et les iraniens chacun pour ses motives. Pour l’occident, c’est le scénario la plus simple à envisager le traitement. Pour les Russes et les iraniens, ils savent que l’ensemble de la Syrie ne pourra jamais tomber dans leurs mains, donc, la partition en gardant une Syrie “utile” leur semble faisable. Mais dans la réalité c’est presque impossible sans effectuer des opérations massives de déplacement de la population pour changer la donne démographique. Il est vrai que cette opération avait commencé dans la région de Homs mais elle reste limitée. Pour éviter le chaos, il est inévitable de trouver une solution qui rassemble des forces gouvernementales qui n’ont pas contribué à la tuerie avec les groupes des rebelles modérés. Ce qui s’est passé en Irak et en Lybie est dû à une invasion étrangère et une mauvaise gestion du day after. Il faudra éviter cette suite en Syrie avec le maintien des institutions étatiques restructurées.


A.B. - La guerre en Syrie a fait plus de 250.000 morts depuis 2011 et a provoqué près d'11 millions de réfugiés et déplacés. Comment peut-on arrêter cette souffrance, cette catastrophe humanitaire?

S.K. - Cela ne commence à intéresser la communauté internationale qu’à partir du moment où les refugiés commencent à arriver en Europe. Malheureusement, nous constatons un accru de xénophobie qui s’associe avec la progression des partis de droite nationaliste dans plusieurs pays. Il était temps où l’occident traitait les questions humanitaires avec plus d’humanisme et loin des calculs électoraux. La situation est aussi très difficile dans les camps des réfugiés en Jordanie et au Liban. Seule la Turquie assure un accueil décent. Nous sommes maintenant dans une nouvelle phase : après l’accomplissement de la destruction matérielle du pays par une volonté diabolique de s’accrocher au pouvoir, il y a la destruction humaine. Une bonne partie des réfugiés vient de la classe moyenne éduquée. La reconstruction se fera avec une telle catégorie de la population. Si elle disparait, si elle s’en va, la construction va être très difficile le moment où les “autres” décideront d’instaurer la “paix” dans ce pays.